Vu en 2016
Jiri Kylian, Ballet
Opéra Garnier, Paris, décembre 2016
Belle Figura, sur des musiques de Pergolesi, Marcello, Vivaldi et Torelli Tars and feathers, sur une improvisation sur le concerto No 9 de Mozart
Symphonie de psaumes de Stravinsky
Trois ballets emblématiques du style de Jiri Kylian, entre classicisme et modernité, mais toujours dans un esprit de beauté formelle.
Éblouissante Bella figura, avec ses danseurs à demi-nus, déployant de sublimes duos sur fond musical baroque.
Pour le plus cérébral Tars and feathers, la pianiste Tomoko Mukaiyama est perchée sur un piano, déformant à souhait le concerto de Mozart.
Enfin la Symphonie de psaumes, un grand classique du chorégraphe.
Rigoletto de Verdi
Teatro dell’opera, Rome, décembre 2016
Direction musicale: Michele Gamba
Mise en scène: Leo Muscato
Rigoletto: Luca Salsi
Le Duc de Mantoue: Ivan Magri
Gilda: Lisette Oropesa
Maddalena: Erika Beretti
Sparafucile: Dario Russo
Après un début laborieux, le jeune chef Michele Gamba a tout juste rempli son rôle, se limitant à un accompagnement anonyme. Avec son beau timbre lyrique et son legato de grande école, Lisette Oropesa a offert un “Caro nome” d’une vaporeuse beauté; mais c’est bien Luca Salsi, apprécié du public romain pour sa fidélité au chant verdien, qui a dominé la distribution, réussissant à faire oublier la médiocrité de l’ensemble de la soirée… Rome, c’est bien fini…
L’Elisir d’amore de Donizetti
Deutsche Oper, Berlin, octobre 2016
Direction musicale: Moritz Gnann
Mise en scène: Irina Brook
Adina: Elena Tsallagova
Nemorino: Francesco Demuro
Belcore: Davide Luciano
Dulcamara: Noel Bouley
On ne présente plus l’opéra bouffe le plus populaire de Donizetti. Un miracle de fraîcheur, d’inventivité et de bonne humeur, sans oublier le fameux “Una furtiva lagrima” avec mention spéciale à Francesco Demuro, irrésistible bénêt au beau timbre lyrique.
La mise en scène colorée d’Irina Brook fleure bon les années cinquante et rend justice à un charmant livret. Le bonheur, tout simplement.
Don Giovanni de Mozart
Staatsoper im Schiller, Berlin, octobre 2016
Direction musicale: Massimo Zanetti
Mise en scène: Claus Guth
Don Giovanni: Christopher Maltman
Leporello: Luca Pisaroni
Donna Anna: Olga Peretyatko
Donna Elvira: Dorothea Röschmann
Zerlina: Narine Yeghiyan
Don Ottavio: Antonio Poli
Masetto: Grigory Shkarupa
Le Commandeur: Jan Martinik
Coup de maître du metteur en scène Claus Guth, saluée en 2008 à Salzbourg! Les magnifiques décors de Christian Schmidt nous entraînent dans une forêt de songes entre contes de fées et paradis perdu… Une distribution rêvée aussi et les chanteurs font bien plus que chanter, chacun enfermé dans ses obsessions. Christopher Maltman domine la distribution avec une sensibilité et une puissance sensationnelles, incarnant un Don Giovanni victime plutôt que bourreau des coeurs…
Elektra de R. Strauss
Semperoper, Dresde, septembre 2016
Direction musicale: Axel Kober
Mise en scène: Barbara Frey
Elektra: Evelyn Herlitzius
Klytämnestra: Tichina Vaughn
Chrysothemis: Manuela Uhl
Aegisth: Jürgen Müller
Oreste: Michael Volle
Créée sur la scène même du Semperoper en 1909, Elektra est sans doute l’opéra le plus cinglant du repértoire. Du premier leitmotiv d’Agamamnon au dernier, 100 minutes d’une montée de la violence amplifiées par l’interprétation éléctrisante d’Evelyn Herlitzius. Sa voix surpuissante, ses yeux exorbités font d’elle une Electre possédée, la meilleure de notre époque!
Thaïs de Massenet
Salzburger Festspiele, Salzburg, août 2016
Münchner Rudfunkorchester
Direction musicale: Patrick Fournillier
Violon solo: Felix Froschhammer
Thaïs: Marina Rebeka
Athanaël: Plácido Domingo
Nicias: Benjamin Bernheim
Palémon: Simon Shibambu
Un triomphe pour Marina Rebeka dans Thaïs version de concert! Dans le ciel obscur d’une oeuvre rarement jouée, la soprano lettone a ravi le public salzbourgeois en remplaçant Sonya Yoncheva dans le rôle-titre. Ampleur du son, technique sans limites et charme incontestable, avec à ses côtés deux jeunes premiers: le brillant et puissant Benjamin Bernheim et Plácido Domingo qui poursuit allègrement sa carrière de baryton. Jusqu’à quand?!
Faust de Gounod
Salzburger Festspiele, Salzburg, août 2016
Wiener Philharmoniker
Direction musicale: Alejo Pérez
Mise en scène: Reinhard von der Thannen
Chorégraphie: Giorgio Madia
Faust: Piotr Beczala
Méphistophélès: Ildar Abdrazakov
Marguerite: Maria Agresta
Valentin: Alexey Markov
Siébel: Tara Erraught
Marthe: Marie-Ange Todorovitch
RIEN à dire sur la mise en scène sinon qu’on ne saisit RIEN de son concept! Soirée heureusement sauvée par une excellente distribution : Beczala en forme olympique, élégant et nuancé ; Abdrazakov sardonique et charmeur ; Markov, émouvant et sonore. Belle performance également de Maria Agresta bien qu’un peu trop mesurée ; on en espérait plus d’exubérance, particulièrement dans l’air des bijoux. Enfin Tara Erraught, mezzo habituée des rôles travestis, évoque plus une femme à barbe qu’un jeune homme amoureux...
Pierrot Lunaire de Schönberg
Bockenheimer Depot, Frankfort, juillet 2016
Direction musicale : Nikolai Petersen
Mise en scène : Dorothea Kirschbaum
Choregraphie : David Laera
La voix : Laura Aikin
Double première avec Anna Toll à l’affiche du Bockenheimer Depot, superbe espace soit dit en passant. Laura Aikin se fraie calmement un chemin à travers les 21 poèmes d’Albert Giraud et leur donne forme avec son timbre clair, navigant subtilement entre récitation et chant. Sans être vraiment audacieuse, la mise en scène permet au spectateur de se connecter à une oeuvre décadente, atonale de surcroit…
Der Ring des Nibelungen de Wagner
Oper Frankfurt, juillet 2016
Das Rheingold
Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Vera Nemirova
Wotan : James Rutherford
Donner : Vuyani Mlinde
Froh : Beau Gibson
Loge : Kurt Streit
Fricka : Tanja Ariane Baumgartner
Freia : Lise Davidsen
Erda : Meredith Arwady
Alberich : Jochen Schmeckenbecher
Mime : Hans-Jürgen Lazar
Fasolt : Alfred Reiter
Fafner : Per Bach Nissen
Le premier volet du fameux “Frankfurter Ring” installe le décor qui servira de support à la mise en scène, une plateforme rotative avec des anneaux comparables à ceux de Saturne. L’idée trouve sa source dans la scènographie de Wieland Wagner de 1951, une merveille architecturale! Géants, dieux ou gnômes, tous y défileront à la quête de l’or dérobé aux filles du Rhin.
A noter les formidables performances de James Rutherford et de son double maléfique Jochen Schmeckenbecher.
Der Ring des Nibelungen de Wagner
Oper Frankfurt, juillet 2016
Siegfried
Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Vera Nemirova
Siegfried : Vincent Wolfsteiner
Brünnhilde : Rebacca Teem
Wanderer : James Rutherford
Alberich : Jochen Schmeckenbecher
Erda : Meredith Awardy
Mime : Peter Marsh
Fafner : Per Bach Nissen
L’oiseau de la forêt : Katharina Ruckgaber
Encore mieux dans Siegfried que dans les volets précédents, les plaques tournantes de la mise en scène ont servi à raconter l’histoire du jeune héros d’une manière captivante. La combinaison de couleurs de la scène de la forge a largement contribué à en magnifier la musique. Et pour une fois à l’opéra, le recours à la chorégraphie à bien fonctionné avec l’intervention d’un oiseau de la forêt-danseur, alors que la partie chantée était en voix-off. Un enchantement!
Wozzeck de Berg
Oper Frankfurt, juillet 2016
Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Christof Loy
Wozzeck : Audun Iversen
Marie : Claudia Mahnke
Le capitaine : Peter Bronder
Andres : Martin Mitterrutzner
Le tambour-major : Vincent Wolfsteiner
Le docteur : Alfred Reiter
Fabuleuse direction de Sebastian Weigle, dont la transparence et l’intensité ont porté cette partition phénoménale au plus haut niveau dramatique! Éminent psychologue, le metteur en scène Christof Loy ouvre les chambres des abysses aux âmes torturées et suit la musique avec une synchronisation fascinante.
Un coup de chapeau pour l’ami Audun Iversen qui faisait ici ses débuts dans le rôle, brossant un portrait expressif et puissant de Wozzeck, poignante épave humaine…
La Traviata de Verdi
KGL Teater, Copenhague, juin 2016
Direction musicale : Pier Giorgio Morandi
Mise en scène : David Radok
Violetta Valéry : Cristina Gianelli
Alfredo Germont : Niels Jørgen Riis
Giorgio Germont : Palle Knudsen
Flora Bervoix : Astrid Nordstad
Bien pâle cette Traviata à Copenhague… on avait lu de la mise en scène de David Radok qu’elle était devenue un classique du genre. D’accord, tout y était: la courtisane, la tuberculose et même la Tour Eiffel, mais la magie non!
Come fly away, ballet de Twyla Tharp
KGL Teater, Copenhague, juin 2016
Superbe découverte, cet hommage à Frank Sinatra est à l’affiche de l’opéra de Copenhagen pour la troisième saison. La versatile Twyla Tharp nous offre sur fond de nightclub un scénario de danse spectaculaire entre flirt et séduction, espoir et désillusion. Mais la véritable star de soirée est la voix de velours du crooner, accompagné en Live par les plus talentueux musiciens de jazz du Danemark.
Così fan tutte de Mozart
Kungliga Operan, Stockholm, mai 2016
Direction musicale : Lawrence Renes
Mise en scène : Ole Anders Tandberg
Fiordiligi : Elin Rombo
Dorabella : Katija Dragojevic
Ferrando : Khanyiso Gwenxane
Guglielmo : Luthando Qave
Don Alfonso : Johan Edholm
Despina : Marianne Hellgren Staykov
Partie de cache-cache où la moralité cède le pas à un chassé-croisé amoureux, la mise en scène de Tandberg est délicieusement érotique!
L’inventivité des décors et des costumes transposent cette école de l’amour dans un cadre très “Seventies” avec cheveux longs, pattes d’éléphant et peaux de mouton, où l’hilarité générale est provoquée par quelques joints de trop… Freeedom!
A Swan Lake, Ballet
Operahuset, Oslo, mai 2016
Chorégraphie : Alexander Ekman
Musique : Mikael Karlsson
Sauvage et mouillée, cette interprétation du ballet classique! Le chorégraphe suédois transforme la scène en un véritable lac en intégrant danse, théâtre, technologie et nature. Sur une musique originale de Mikael Karlsson (suédois lui aussi), le résultat en est un véritable déluge, une démonstration d’une créativité éclaboussante!
Lucia di Lammermoor de Donizetti
Royal Opera House, Londres, avril 2016
Direction musicale : Daniel Oren
Mise en scène : Katie Mitchell
Lucia : Diana Damrau
Edgardo : Charles Castronovo
Enrico : Ludovic Tézier
Raimondo : Kwangchul Youn
Curieuse Lucia que celle-ci, perverse, enceinte et essayant désepérement d’avorter! Les scènes de sexe et de crime occupent tant les chanteurs qu’on se demande où ils puisent encore l’énergie pour chanter… et tout ce sang, non merci Katie Mitchell!
On a aimé le son clair de Castronovo, la virtuosité affectée de Damrau, et simplement adoré Ludovic Tézier, son timbre, sa présence et son phrasé.
Time takes the time time takes de Guy Nader & Maria Campos
Bipod Festival, Liban, avril 2016
“Time takes…” est une incarnation physique et dynamique du temps et de l’espace à travers des mouvements répétitifs. Soutenus par le rythme latent de la musique, une infinité d’engrenages confère à l’expérience une dimension quasi mystique. Brillant!
Iolanta & Casse-noisette de Tchaikovski
Opéra Garnier, Paris, mars 2016
Direction musicale : Alain Altinoglu
Mise en scène : Dmitri Tcherniakov
Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui, Edouard Lock, Arthur Pita
Iolanta : Sonya Yoncheva
Le Roi René : Alexander Tsymbaluk
Vaudémont : Arnold Rutkowski
Robert : Andrei Jilihovschi
Ibn-Hakia : Vito Priante
Créées le même jour de décembre 1892, les deux oeuvres sontde nouveau réunies par Dmitri Tcherniakov qui offre à chaque personnage de l’opéra son double dans le ballet et enchaîne le drame lyrique avec trois chorégraphies… Le tout truffé d’idées scénographiques et d’influences cinématographiques. On retiendra la Valse des Flocons de Sidi Larbi Cherkaoui, un moment d’absolue poésie.
Sans doute un sommet de la programmation de l’Opéra de Paris!
Cappella Andrea Barca
Musikverein, Vienne, janvier 2016
Direction musicale et piano András Schiff
Mozart, Symphonie en do Majeur
Mendelssohn, Symphonie pour cordes Nr.9
Mendelssohn, Concerto pour piano et orchestre Nr.2 en ré Mineur
Mozart, Concerto pour piano et orchestre Nr.20 en ré Mineur
Véritable pianiste moderne au talent protéiforme, András Schiff a illuminé ces oeuvres de son jeu à la fois sensible et vif, précis et plein de sentiment.
Die Zauberflöte de Mozart
Wiener Staatsoper, Vienne, janvier 2016
Direction musicale : Cornelius Meister
Mise en scène : Moshe Leiser & Patrice Caurier
Tamino : Benjamin Bruns
Pamina : Valentina Nafornita
La Reine de la nuit : Albina Shagimuratova
Papageno : Markus Werba
Sarastro : Stephen Milling
Monostatos : Benedikt Kobel
Papagena : Annika Gerhards
Une vraie ménagerie: des ours dansants, un gorille, un rhinocéros, une paire d’autruches; costumes incongrus, décors farfelus et bombes fumigènes sont aussi les témoins d’une production à voir en famille… De vrais chanteurs tout de même: Markus Werba charismatique Papageno; Albina Shagimuratova, virtuosissime Reine de la nuit et Stephen Milling très imposant Sarastro. Croisé deux jours plus tard à la Philharmonie, il m’a prise dans ses bras. Quel frisson!
Rigoletto de Verdi
Wiener Staatsoper, Vienne, janvier 2016
Direction musicale : Evelino Pidò
Mise en scène : Pierre Audi
Rigoletto : Carlos Álvarez
Le Duc de Mantoue : Juan Diego Flórez
Gilda : Olga Peretyatko
Maddalena : Nadia Krasteva
Sparafucile : Ain Anger
Belle distribution pour le revival de la production de Pierre Audi. Dans le rôle titre, Carlos Álvarez a offert son chant noble et généreux; Olga Peretyatko style, charme et sincerité; la basse caverneuse d’Ain Anger et la sensualité incarnée de Nadia Krasteva ont introduit le frisson nécessaire au troisième acte.
Seul bémol, le Duc de Mantoue n’est franchement pas destiné à un “tenore di grazia” tel que Flórez, qui était en bonne forme vocale cependant…
Tristan und Isolde de Wagner
Teatro dell’opera, Rome, décembre 2016
Direction musicale: Daniele Gatti
Mise en scène: Pierre Audi
Tristan: Andreas Schager
Isolde: Rachel Nicholls
Brangäne: Michelle Breedt
Kurwenal: Brett Polegato
Marke: John Relyea
Melot: Andrew Rees
Coproduite avec le Théâtre des Champs-Elysées et le DNO d’Amsterdam, la mise en scène minimaliste et contemplative de Pierre Audi est marquée par l’absence totale de sentiment amoureux, les deux protagonistes célébrant leur passion en s’ignorant systématiquement... Mais les voix sont puissantes, intenses, Schager, Nicholls et Relyea servant la magistrale direction de Daniele Gatti, toujours attentif aux inflexions des chanteurs, et qui faisait avec ce Tristan ses débuts au Teatro
dell’opera. Un lyrisme bouleversant...
Samson et Dalila de Saint-Saëns
Opéra Bastille, Paris, octobre 2016
Direction musicale: Philippe Jourdan
Mise en scène: Damiano Michieletto
Samson: Aleksandrs Antonenko
Dalila: Anita Rachvelishvili
Abimélech: Nicolas Testé
Grand Prêtre de Dagon: Egils Silins
Vieillard hébreu: Nicolas Cavallier
Après 25 ans d’absence, un retour décevant de Samson et Dalila sur la scène de l’Opéra Bastille. Mise en scène kitsch et manquant de cohésion, absence totale de passion… non, mon coeur ne s’est pas ouvert à leur voix! Ni à l’héroïsme fragile d’Antonenko ni à la sensualité feinte de Rachvelishvili. Et pourtant, Philippe Jourdan y avait mis toutes les ressouces de l’orchestre…
Die Meistersinger von Nürnberg de Wagner
Komische Oper, Berlin, octobre 2016
Direction musicale: Gabriel Feltz
Mise en scène: Andreas Homoki
Hans Sachs: Tómas Tómasson
Walther von Stolzing: Erin Caves
Eva Pogner: Johanni van Oostrum
Sixtus Beckmesser: Tom Erik Lie
Veit Pogner: Jens Larsen
David: Ivan Tursic
Magdalene: Maria Fiselier
Pour l’unique comédie de Wagner, Homoki installe un Nuremberg métaphorique où le décor minimaliste change de teinte au gré de la pièce. Du Lego-village bleu gris aux couleurs festives du troisième acte, Nuremberg explose quand éclate la joie de ses habitants! Claire et nette, la mise en scène repose sur l’ensemble du Komische Oper: une troupe d’acteurs puissante, un choeur magnifique et des chanteurs de premier ordre s’articulent en une mécanique bien huilée autour du formidable Tómas Tómasson, infatiguable Hans Sachs…
Manfred Honeck et Matthias Goerne
Berliner Philharmoniker, Berlin, septembre 2016
Direction musicale: Manfred Honeck
Baryton: Matthias Goerne
Grâce à la complicité d’un chef et d’un immense baryton, le temps s’arrête… Les Lieder orchestrés de Richard Strauss sont des joyaux qui allient l’intimisme du Lied à la luxuriance du son orchestral. Les arrangements des Lieder de Schubert et la Fantaisie Rusalka sont de la main de Manfred Honeck…
En deuxième partie du concert, la 8ème Symphonie de Dvorák et son atmosphère rassérénante, qualité rare à l’époque romantique. Une promenade heureuse en somme.
Salome de R. Strauss
Semperoper, Dresde, septembre 2016
Direction musicale: Omer Meir Welber
Mise en scène: Michael Schulz
Salome: Jennifer Holloway
Herodes: Lance Ryan
Herodias: Christa Mayer
Jochanaan: Markus Marquardt
Naraboth: Daniel Johansson
Premier opéra “noir” de Richard Strauss, l’oeuvre exerçait une véritable fascination sur ses contemporains. La fascination demeure avec la mise en scène de Michael Schutz: Salomé émerge tout juste de l’enfance, entourée de ses peluches et ses poupées; des danseuses de burlesque dénudées performent la fameuse “Danse des sept voiles”… Innocence et perversité incarnées par l’américaine Jennifer Halloway, aussi remarquable actrice que cantatrice.
Die Liebe der Danae de R.Strauss
Salzburger Festspiele, Salzburg, août 2016
Wiener Phiharmoniker
Direction musicale: Franz Welser-Möst
Mise en scène: Alvis Hermanis
Danae: Krassimira Stoyanova
Jupiter: Tomasz Konieczny
Midas: Gerhard Siegel
Merkur: Norbert Ernst
Pollux: Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
En 1944 à Salzbourg la première avait été annulée suite à la tentative d’assassinat contre Adolf Hitler...
Emerveillement de la découverte donc de cette partition tardive, éblouissement de la production, on retient son souffle en espérant que ça ne finisse pas! La transposition en orient (actualité oblige) en fait un véritable conte des mille et une nuits, avec couleurs chatoyantes et ors à profusion. Ajoutons à cela la voix lustrée de Stoyanova, l’imposante incarnation de Tomasz Konieczny et le Wiener Philharmoniker dirigé par Franz Welser-Möst... divine soirée!
Anna Toll de Langemann
Bockenheimer Depot, Frankfort, juillet 2016
Direction musicale : Nikolai Petersen
Mise en scène : Hans Walter Richter
Choregraphie : David Laera
Anna Toll : Elisabeth Reiter
Maxi : Nora Friedrichs
Ilona : Nina Tarandek
Gabriel : Simon Bode
Carlo : Ludwig Mittelhammer
Baron Diebl : Magnus Baldvinsson
Arthur : Dominic Betz
Double première avec Pierrot Lunaire de Schönberg. Avec ses mélodies extravagantes, Anna Toll est un mélange de romantisme tardif et d’opera buffa, un exercice de style ironique sur l’éternelle question: amour et fidélité sont-ils compatibles, ou ainsi font-elles (toujours) toutes?
Carmen de Bizet
Oper Frankfurt, juillet 2016
Direction musicale : Sebastian Zierer
Mise en scène : Barrie Kosky
Chorégraphie : Otto Pichler
Carmen : Tanja Ariane Baumgartner
Don José : Luc Robert
Micaëla : Juanita Lascarro
Escamillo : Andreas Bauer
On n’a jamais vu ni entendu une Carmen pareille. Barrie Kosky (directeur du Komische Oper de Berlin) avec la complicité du chef d’orchestre Constantinos Carydis, apporte une vision totalement nouvelle. Non seulement il fait apparaître la femme fatale sous les traits d’un gorille puis d’un toréador, mais il remplace les récitatifs par une narration en voix off et coupe les airs connus au profit de ceux délaissés par Bizet! Le mythe est bel et bien détruit. Avec génie.
Der Ring des Nibelungen de Wagner
Oper Frankfurt, juillet 2016
Die Walküre
Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Vera Nemirova
Siegmund : Frank van Aken
Hunding : Ain Anger
Wotan : James Rutherford
Sieglinde : Amber Wagner
Brünnhilde : Rebecca Teem
Fricka : Tanja Ariane Baumgartner
Waltraute : Jenny Carlstedt
Le deuxième volet de la tétralogie révèle les dessous de la saga familiale… Le fonctionnement du plateau est enrichi par des effets de neige puis de flammes, les scènes réalistes rehaussées par un superbe éclairage! Côté vocal, deux moments-clé (l’amour des jumeaux et les adieux du dieu à sa fille) sont sublimés par l’incomparable chant d’Amber Wagner. Enfin un coup de coeur renouvelé pour la basse estonienne qui donne le frisson, Ain Anger.
Der Ring des Nibelungen de Wagner
Oper Frankfurt, juillet 2016
Götterdämmerung
Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Vera Nemirova
Siegfried : Vincent Wolfsteiner
Gunther : Simon Bailey
Hagen : Falk Struckmann
Alberich : Jochen Schmeckenbecher
Brünnhilde : Rebacca Teem
Gutrune : Anna Gabler
Waltraute : Claudia Mahnke
De la scène des Nornes tisseuses de destins, à la majestueuse marche funèbre, jusqu’au cataclysme final annonciateur du renouveau de l’humanité… grâce à la performance vocale exceptionnelle, à l’impressionnant choeur masculin et à l’orchestre glorieux sous la direction de Sebastian Weigle, un Ring mémorable salué par une ovation unanime à l’Oper Frankfurt. Sans doute l’une des plus grandes maisons d’Allemagne.
Lear de Reimann
Opéra Garnier, Paris, juin 2016
Direction musicale : Fabio Luisi
Mise en scène : Calixto Bieito
Lear : Bo Skovus
France : Gidon Saks
Albany : Andreas Schneiber
Cornwall : Michael Colvin
Kent : Kor-Jan Dusseljee
Gloucester : Lauri Vasar
Edgar : Andrew Watts
Edmund : Andreas Conrad
Goneril : Ricarda Merbeth
Regan : Erika Sunnegardh
Cordelia : Anette Dasch
Oeuvre clairement dodécaphoniste, avec un langage propre à chaque personnage et une partie orchestrale tempétueuse, Le Roi Lear version lyrique a été créé pour Dietrich Fischer-Dieskau en 1978. Avec la vision contemporaine de Bieito et une admirable distribution, la production est un coup de poing sonore et visuel, très chaleureusement accueillie à Garnier. Peut-être la meilleure programmation de la saison parisienne…
Salome de Strauss
KGL Teater, Copenhague, juin 2016
Direction musicale : Robert Houssart
Mise en scène : Stefan Herheim
Choregraphie : Micke Strid
Salome : Gisela Stille
Jochanaan : Thomas Hall
Herode : Michael Kristensen
Herodiade : Randi Stene
Narraboth : Adam Frandsen
Progression inéluctable vers un drame cinglant, la mise en scène du génialissime Stefan Herheim est dominée par les femmes: Salome/Marilyn Monroe et ses six sosies réinventent la Danse des sept voiles qui mène à la décapitation de Saint Jean-Baptiste. La tête géante du prophète permet à Salomé de déclamer son monologue final debout dans la bouche bien-aimée...
Magnifique scénographie surplombée par la lune, densité orchestrale hors-pair, excellents chanteurs, un choc dont on se remet difficilement!
Madama Butterfly de Puccini
Kungliga Operan, Stockholm, juin 2016
Direction musicale : Alexander Soddy
Mise en scène : Kirsten Harms
Cio-Cio-San : Sara Olsson
F. B. Pinkerton : Daniel Johansson
Sharpless : Johan Edholm
Suzuki : Susan Végh
Goro : Daniel Ralphsson
The Bonze : John Erik Eleby
Saluée par la presse internationale en 2015, probablement gràce à la présence d’Asmik Grigorian dans le rôle-titre, la petite Cio Cio San nous a laissé de marbre ce soir-là.
Matérialisant le choc des cultures Orient-Occident, la production oscille entre japonisme des années cinquante et modern style danois... En dehors de quelques moments forts comme l’entrée de Butterfly sous un parasol en mousseline, la distribution très moyenne et l’interprétation laborieuse ont laissé peu de place à l’émotion.
Turandot de Puccini
Operahuset, Oslo, mai 2016
Direction musicale : John Helmer Fiore
Mise en scène : Andreas Homoki
Turandot : Elisabeth Blancke-Biggs
Calàf : Diego Torre
Liù : Eli Kristin Hanssveen
Timur : Guenes Guerle
Ping : Espen Langvik
Pang : Marius Roth Christensen
Pong : Thorbjørn Gulbrandsøy
Un énorme point d’interrogation domine la scène de l’opéra d’Oslo et rappelle les énigmes incessantes de cet opéra problématique... Homoki situe l’opéra dans un programme télévisé avec exécutions en direct et fait certaines allusions à la Chine communiste. Le chef américain John Fiore a opté pour la version inachevée de 1924 et posé sa baguette au moment de la mort de Liù et celle de Puccini… En plus de son tempo rapide, il a réduit la représentation à 1h45 sans entracte. Frustrant!
Tannhäuser de Wagner
Royal Opera House, Londres, avril 2016
Direction musicale : Hartmut Haenchen
Mise en scène : Tim Albery
Tannhäuser : Peter Seiffert
Elisabeth : Emma Bell
Vénus : Sophie Koch
Wolfram : Christian Gerhaher
Herrmann : Stephen Milling
“La bataille de la chair avec l’esprit, de l’enfer avec le ciel, de Satan avec Dieu” disait Baudelaire… Le revival de la production de Tim Albery, sorte de fond théâtral fade et figé, affaiblit drastiquement cette lutte.
Là aussi une distribution à la hauteur du ROH et un coup de coeur pour les rôles masculins: Peter Seiffert généreux et charismatique, mais pas au mieux de sa forme, a été éclipsé par le baryton Christian Gerhaher, tout en sentiment et en nuances. Choeur impressionnant, même glorieux!
Shakespeare 400 Anniversary Gala Concert
Southbank Center, Londres, avril 2016
Orchestre : London Philharmonic Orchestra
Direction musicale : Vladimir Jurowski
Mise en scène : Simon Callow
Où mieux qu’à Londres allait-on fêter l’Immortel Barde? Acteurs, chanteurs lyriques (dont Kate Royal et Simon Keenlyside), le choeur de Glyndebourne et le LPO dirigé par Jurowski ont fait alterner théátre et musique.. Extraits d’Otello, de Roméo et Juliette, d’Hamlet, d’Oberon ou du Songe d’une nuit d’été, hommage vibrant d’un peuple à son poète!
Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano
Al Bustan Festival, Liban, mars 2016
David Aladashvili, piano
On avait connu la volcanique Anita dans Carmen... On a mis du temps à la reconnaître en tenue stricte, chanter des mélodies peu familières de Rachmaninoff, Duparc, Fauré ou Taktakishvili. Son timbre charnu et son beau legato nous ont lentement guidé à travers ce récital, sensiblement accompagnés par David Aladashvili.
Renaud Capuçon, violon
Al Bustan Festival, Liban, mars 2016
Une courte soirée, mais du bonheur tout de même, celui d’écouter le très renommé violoniste français à travers les concertos pour violon no 1 et 2 de Bach. Un style irréprochable qui allie précision et équilibre, force et souplesse!
Arabella de R. Strauss
Wiener Staatsoper, Vienne, janvier 2016
Direction musicale : Cornelius Meister
Mise en scène : Sven-Eric Bechtolf
Arabella : Anja Harteros
Mandryka : Tomasz Konieczny
Zdenka : Ileana Tonca
Comte Waldner : Wolfgang Bankl
Adelaide : Carole Wilson
Fiakermilli : Hila Fahima
Dernière collaboration de Richard Strauss et d’Hugo Von Hoffmannsthal, Arabella est l’opéra du bonheur… Et du bonheur, Anja Harteros nous en a donné, offrant un portrait nuancé d’Arabella et une grande variété de textures vocales. Mais c’est le baryton-basse Tomasz Konieczny qui nous a subjugués, on le suit d’ailleurs depuis son phénoménal Alberich… Une maîtrise et une puissance sensationnelles!
Götterdämmerung de Wagner
Wiener Staatsoper, Vienne, janvier 2016
Direction musicale : Adam Fischer
Mise en scène : Sven-Eric Bechtolf
Siegfried : Christian Franz
Gunther : Daniel Boaz
Hagen : Eric Halfvarson
Alberich : Jochen Schmeckenbecher
Brünnhilde : Linda Watson
Gutrune : Regine Hangler
Waltraute : Anna Larsson
Rien ne pouvait égaler l’immense déception de l’annulation de Stephen Gould (remplacé par Christian Franz) que l’immense joie d’écouter Linda Watson. Une voix qui vous souffle par sa dimension et par sa beauté. Couleur, fluidité, expressivité sont les atouts de sa Brünnhilde qu’elle maîtrise totalement.
Mais c’est Adam Fischer qui a reçu ce soir la plus grande ovation. Son orchestre soigne chaque passage et donne à la musique l’espace qui lui revient!